Nouvel allié du goûter
Fils de boucher-charcutier, Roland Charles est né le nez dans une casserole. "J’ai grandi en cuisinant. À l’âge de trois ans, je tournais déjà les bugnes…" Adolescent, il découvre le métier de restaurateur à l’occasion d’un stage en entreprise. "J’ai appris que l’on pouvait servir du foie gras sur du pain d’épice, ça a été une sorte de révélation. Je me suis vu avec une entreprise de pain d’épice, à vendre mes créations à des boulangeries ou des fabricants de foie gras…"
Le Bac en poche et cette idée tenace en tête, le jeune homme se dirige vers une école de commerce. "J’ai poussé mon projet le plus loin possible, j’étais gonflé à bloc, je voulais me lancer tout de suite. Je cherchais déjà des lieux où je pourrais m’établir." Puis un chocolatier en quête d’une repreneur l’accueille pour son stage de fin d’études, et lui enseigne, six mois durant, le métier d’artisan. Seconde révélation. Le cacao emporte finalement le coeur de Roland.
Avec un esprit marketing bien aiguisé et des mains heureuses dans le chocolat, le jeune diplômé sorti major de sa promotion finalise la reprise de la boutique en 2005. Accompagné d’un pâtissier, il s’attèle pendant trois ans à la création de douceurs selon l’école traditionnelle: chocolats de fêtes, oeufs de Pâques, etc.
"Dès le premier jour, pourtant, je me suis intéressé à la pâte à tartiner. Je voulais savoir comment on la fabriquait. Pour tout le monde, c’était Nutella et rien d’autre : un produit bas de gamme, sans intérêt et dont, de toutes façons, on ne connaissait pas la recette. Moi j’étais justement curieux du cas Nutella, qui est assez fascinant: voyez un empire basé sur un produit unique, et depuis 50 ans ! Je me suis dit : pourquoi ne pas fabriquer une pâte à tartiner qui lui ressemble, mais de façon artisanale et en utilisant des aliments sains ? Pour en redorer le blason ?"
Pari gagnant
Inspiré, Roland joue à l’alchimiste chaque soir, dans son atelier. "J’ai réalisé environ 200 essais de pâte à tartiner pendant plus de 2 ans avant d’atteindre un résultat quasi similaire en terme de goût, de texture, de conservation, mais avec beaucoup moins de sucre, et sans huile de palme, arômes artificiels ou conservateurs."
L’artisan teste alors son public. "Je me suis dit : si mon produit rencontre un bon accueil, je ne me consacrerai plus qu’à ça." Boosté par des retours enthousiastes, il donne, en 2009, le jour à la marque Charles Chocolartisan. Face au géant Nutella, avec des prix forcément moins concurrentiels, "on s’attaquait quand même à un énorme chantier", reconnaît Roland. "Je devais m’appuyer sur mes propres forces : le savoir-faire chocolatier, la qualité des produits. Et l’innovation. J’ai voulu prendre le parti de la variété."
Si l’entreprise se concentre sur une niche, elle en profite pour construire une vraie gamme de produits. "Nous tenons vraiment à être tournés vers les consommateurs. Régulièrement, on organise des dégustations et on les écoute. On s’intéresse à leurs goûts, à leurs problématiques. Cela nous donne des pistes pour décliner notre gamme avec des origines de cacao différentes, des recettes croustillantes, pétillantes, mais aussi adaptées aux différents régimes et intolérances : sans lactose, sans gluten, sans noisettes, sans sucre… Nous avons également des recettes saisonnières, et locales, en accord avec les spécialités des régions dans lesquelles nous sommes présents : au sel de Guérande en Bretagne, à la châtaigne en Ardèche…" Chaque fin d’année, Roland Charles renoue également avec ses premières amours en réalisant une recette composée pour moitié… de pain d’épice.
Face à la tendre tartinade, le public exprime, depuis huit ans, une satisfaction au-delà de toute attente. L’entreprise est aujourd’hui la seule chocolaterie française à ne se concentrer que sur la pâte à tartiner. En 2014, elle comptait trois personnes. "Nous sommes 12 aujourd’hui, plus pendant les pics d’activité. On a déménagé quatre fois, pour passer de 200 à 1800 m2."
La marque est distribuée dans cinq magasins, dans les épiceries fines, les salons du chocolat, et connaît également un grand succès en ligne. "Nous réalisons + 100% de CA chaque année."
Du haut de son piédestal, le grand groupe Ferrero ne s’est pas senti chatouillé par le vent de concurrence français Chocolartisan. Pour Roland, c’est très bien ainsi : "Nous évoluons chacun sur notre cible, mais au final, chaque client trouve satisfaction en allant vers son produit. Et tout le monde est ravi."
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